
Juin 2012 : photo prise dans une rue de Bamako. Prix 2013 du modèle Essence neuf en France 130 000 €, soit 85 274 410 Fcfa. Pour info, le revenu national brut 2010 par habitant au Mali est de 25 000 fcfa par mois. A qui appartient cette voiture ? A un commerçant de Bamako ?
Tee-shirts, thé, sucre, voyages à l’étranger pour rencontrer la diaspora, meetings… Mais d’où les candidats sortent-ils l’argent pour financer tout ça ? Surtout ceux qui étaient absents du pays. Où étaient-ils pendant que le peuple malien et particulièrement celui du Nord souffrait le martyr ? A l’étranger pour mettre en place leur stratégie de retour au pouvoir avec l’aide de quelque(s) puissance(s) étrangère(s) et vendre définitivement le pays ?
Nous sommes nombreux à nous poser des questions sur le courage et les capacités de ces hommes politiques à gérer un pays qu’ils ont fui et où ils reviennent, sans honte ni remords, pour nous demander de les aider à le tuer un peu plus en leur donnant nos suffrages. Autistes, ils nous souhaitent amnésiques et pensent que nous n’avons toujours pas compris que les promesses n’engageaient que ceux qui y croient !
Nous savons tous que les partis politiques, en bons rentiers de la République, vivent des fonds détournés au sommet de l’État et dont une partie finance les campagnes électorales. Mais avec la crise, il semblerait que le robinet ne laisse plus couler qu’un maigre filet et qu’il faille aller chercher des fonds ailleurs. Nous ne parlerons pas ici du coût des élections et des campagnes électorales dans un pays où, selon la Banque Mondiale, le revenu national brut (RNB) par habitant en 2011 était de 610 $, soit moins de 300 000 F CFA, par an (25 000 F CFA par mois). Ça, c’était avant la crise ! Le Mali a-t-il les moyens de prendre en charge un modèle de démocratie imposé par des pays riches ?
Constatez vous-mêmes :
- RNB 2011 en France : 42 420 $, soit 20 854 000 F CFA par an ou 1 737 800 F CFA par mois (plus de 69 fois le RNB malien) ;
- RNB 2011 aux États-Unis : 48 620 $, soit un peu plus de 23 900 000 F CFA par an ou 1 991 000 F CFA par mois (plus de 79 fois le RNB malien).
Nous voyons assez rapidement les limites du « copier-coller » et comprenons une des raisons essentielles de la corruption au sommet de l’État. Bien sûr, ils détournent les fonds qui nous sont « théoriquement » destinés, à leur avantage personnel et exclusif. Mais la conservation de cet avantage passe par leur maintien au pouvoir grâce à une mascarade de démocratie qu’il faut financer, et dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences aujourd’hui et demain. Nous avons sacrifié, au nom d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, notre génération, celle de nos enfants ; allons-nous hypothéquer celle de nos petits-enfants sous prétexte que nous ne serons plus là pour le voir ? Quand nos dirigeants se souviendront qu’ils ne sont pas que des ventres sur pattes, la question méritera d’être débattue. Personne ne détient la vérité absolue, y compris la fumeuse (pardon, je voulais dire « fameuse ») « communauté internationale » qui a trouvé un nouveau terrain de jeu en Europe… Il est temps de repenser le règne de la pensée unique !
Revenons à nos élections alibi du moment. D’aucuns parlent de financements extérieurs, mais ce qui est sûr, c’est que certains de nos hommes politiques bénéficient de fonds émanant de rentiers de la république. Ces fonds proviennent de la corruption et des détournements qui privent le pays de ressources considérables. Ces ressources « mal acquises » profitent à une minorité de rentiers, aux dépens de la majorité de la population. Quelques individus s’enrichissent énormément et rapidement, non pas en raison de leur mérite personnel, mais du simple fait d’être placés là où ils sont : ils profitent donc bien d’une rente de situation, qui est un avantage acquis par le seul fait d'occuper une situation privilégiée ou stratégique. Comment cette coalition de rentiers s’est-elle mise en place pour garder le pouvoir et l’exercer à son bénéfice exclusif ?
Comment le système de rente accentue le sous-développement du Mali et tue la démocratie.
- Une économie de rente assise sur l’exportation de matières premières…
Quand c’est l’État qui joue le rôle d’acteur économique à travers une société d’État monopolistique, comme c’est le cas pour le coton, il subventionne les paysans pour que ces derniers ne vendent pas à perte et ne s’éloignent pas d’une culture devenue non rentable pour eux. Ces subventions à destination d’une population particulière sont payées par vous et moi et ne seront pas investies dans des écoles ou des centres de santé, utiles à toute la collectivité.
Une économie de rente fondée sur l’exportation de matières premières ne permet certainement pas le développement d’un pays : aucun pays au monde ne s’est développé uniquement à partir du secteur primaire. Elle enrichit quelques personnes certes... mais marginalement.
Cet extrait tiré du rapport 2013 de « Perspectives Économiques en Afrique» ne dit pas autre chose quand il regrette l’absence d’une meilleure insertion de l’industrie extractive dans l’économie nationale malienne : « … La création de valeur ajoutée à travers une transformation locale et le développement de points de vente continue de faire défaut. Les opérateurs et prestataires de services nationaux ne sont pas présents aux différents niveaux de l’activité minière (exploitation, sous-traitance, fourniture de services et d’intrants locaux, valorisation et utilisation de produits locaux). D’une manière générale, le secteur minier n’a pas assez de liens avec le reste de l’économie locale. Il ne produit que de l’or, faute de données géologiques sur des gisements d’autres minerais. Il est pénalisé par l’absence d’un cadastre minier fiable et d’un mécanisme autonome et approprié de financement. Le contrôle, le suivi et l’évaluation des sociétés minières reste insuffisant. Les infrastructures énergétiques et de communication dans les zones minières ne sont pas assez développées ». Rappelons que « Perspectives Économiques en Afrique » combine l’expertise de la Banque africaine de développement, du Centre de développement de l’OCDE, de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, du Programme des Nations Unies pour le développement ainsi que celle d’un réseau de think tanks et de centres de recherche africains, aucune de ces institutions n’étant suspecte de « chavisme »…
- …qui favorise les importations…
- …enrichit les commerçants et tue notre industrie dans l’œuf …
Bien entendu, ce processus de destruction massive de l’économie nationale ne se fait pas sans complices.
- …avec la complicité des douaniers et des politiques
Mais tout cela n’est possible que parce que l’économie de rente se nourrit, entre autres, de l’absence de contrôle et de transparence dans la sphère économique. Pour que cela perdure, commerçants et douaniers achètent donc à leur tour les autorités politiques afin qu’elles empêchent le vote de lois susceptibles d’entraver leurs activités, voire qu’elles votent des lois pour les protéger. C’est ainsi que gros commerçants et douaniers devenus milliardaires financent les campagnes de certains candidats (lisez la presse pour savoir qui finance qui). Une fois ceux-ci élus, cette coalition de rentiers s’adonnera allègrement à la corruption et aux détournements de fonds tous azimuts, tous s’unissant pour détruire le Mali à leur profit personnel.
Vous pensiez qu’en votant pour un candidat, il travaillerait pour vous ? Ne soyez plus naïfs ! C’est celui qui paie qui commande : trouvez qui finance les candidats et vous comprendrez dans l’intérêt de qui gouvernera celui auquel vous aurez délégué votre pouvoir en votant pour lui.
Vous voulez élire un candidat qui travaillera pour vous, peuple malien ? Regardez donc du côté de ceux que vous avez du mal à entendre, à voir, ceux qui ont fait le choix de ne pas s’aliéner à l’argent sale et aux puissances étrangères… Pour gouverner le Mali d’aujourd’hui, il faut du courage et de l’abnégation, beaucoup de courage. Les candidats qui ont fui le pays quand il était dans la tourmente nous ont montré de quoi ils étaient capables… Ne vous laissez pas berner par des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient ! Faites comme saint Thomas, ne croyez que ce que vous voyez : scrutez les actes et les faits des uns et des autres avant de faire votre choix. Le Mali ne se relèvera pas d’un coup de baguette magique ni sans les efforts de chacun.
En tant que citoyens, le pouvoir vous appartient, donnez-vous les moyens de l’exercer et de décider de votre avenir. Étudiez tous les candidats, leur parcours, la source de financement de leur campagne, puis allez voter et déposer dans les urnes votre avenir et celui de vos enfants. Ne bradez pas votre pays pour un tee-shirt et osez rêver d’un Mali debout !
Quel que soit votre choix, il faudra en assumer la responsabilité, toute la responsabilité…
On n’est jamais trahi que par les siens !
aidah.diagne@gmail.com
Juin 2013